• Libb@piefed.social
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    2 days ago

    +1 pour le conseil de Marie:

    Marie a donc suivi des cours de remise à niveau et repris des études. Aujourd’hui, elle maîtrise le français et espère travailler dans la vente. Elle a un conseil contre l’illettrisme : “Il vaut mieux en parler que s’enfermer et rester seul. Ça n’aide pas d’être seul.”

    La difficulté étant de trouver à qui en parler en se sentant en confiance, comme avec toute situation jugée humiliante ou dégradante.

    Par contre, là j’ai du mal à suivre, surtout de la part d’une bibliothécaire :

    La lecture, sous toutes ses formes, est un rempart contre l’illettrisme. Les bibliothèques, comme celle d’Aixe-sur-Vienne, cherchent donc à ouvrir au maximum leur offre pour sortir de l’élitisme : “Il faut sortir de ce cadre où on se dit qu’un enfant ne lit que des romans”, souligne Kassandra Billy, agent de bibliothèque. Il n’y a pas que des romans : il y a des BD, des livres lus, où l’enfant ne va pas lire, mais il va écouter et intégrer aussi bien l’histoire."

    Que je sache, personne ne dit qu’un enfant ne doit lire ‘que des romans’. Et, surtout, il faut arrêter de vouloir tout mettre dans le même sac en prétendant que c’est la solution.

    On peut tout à fait apprécier une histoire sans l’avoir jamais lue (qui a lu Homère, Shakespeare, Molière, ou même Conan Doyle (Sherlock Holmes) ou HG Wells (la guerre des mondes, la machine à voyager dans le temps, etc.), ici ? Qui a vu une des nombreuses adaptations au cinéma?). On peut même en raconter soi-même d’excellentes sans jamais écrire (Homère est censé avoir été aveugle et n’a rien écrit, Socrate n’a jamais rien écrit non plus, c’est son disciple Platon qui nous en parle à la place dans des dialogues qui n’ont rien perdu de leur… efficacité).

    On peut très bien regarder et aimer une histoire (film/série/anime/théâtre), ou l’écouter via un audiobook, ou encore racontée par papa/maman, etc.

    Je veux dire, l’illettrisme n’a rien à voir avec l’intelligence des personnes, ou leur incapacité à piger une histoire ou même à pouvoir en parler autour de soi. L’illettrisme c’est tout simplement ne pas savoir lire (ni calculer, d’ailleurs). C’est-à-dire que :

    1. l’illettré n’a pas la capacité de reconnaître les lettres, donc
    2. il est incapable de déchiffrer les mots qui sont composés de ces lettres, donc
    3. il ne peut pas faire sens des phrases qui sont construites sur base de ces mots (plus un peu grammaire et de ponctuation, sans lesquelles certaines phrases peuvent devenir indéchiffrables, même si on sait lire les mots.

    J’aime beaucoup manger, les enfants. Et vous ?
    J’aime beaucoup manger les enfants. Et vous ?
    J’aime beaucoup manger les enfants et vous.

    La ponctuation, c’est bien :p

    Alors, il n’y a effectivement ‘pas que des romans’ à lire, c’est évident, mais il y a toujours l’action de lire du texte. Qu’il soit sagement aligné dans le pages d’un livre, ligoté dans une bulle de BD ou presque anarchiquement éclaté dans un manga. Mais on ne solutionnera pas l’illettrisme en racontant des histoires aux enfants (ni aux adultes).

    On le solutionne en leur apprenant à… lire. Ce qui demande un réel effort, beaucoup plus que de pouvoir écouter la même histoire.

    Par contre, raconter des histoires est génial pour (développer l’imagination, et aussi pour passer un chouette moment ensemble, tout bêtement,) pour donner envie de lire plus d’histoires mais il reste quand même nécessaire d’apprendre à les lire soi-même.

    Et non, rappeler l’importance centrale de la lecture ce n’est pas de l’élitisme. C’est du bon sens.

    Un bon sens qui ne réduit en rien l’importance pas moins essentielle qu’il y a à encourager chacun à apprécier une bonne histoire où qu’elle se trouve, peu importe sa forme et son support.

    (mode vieux con ON)

    Je déchiffre tant bien que mal le Grec et le Latin et je ne suis pas non plus complètement ignorant de l’antiquité grecque et romaine pour la simple raison que, enfant, j’ai adoré (et c’est peu de le dire) le dessin animé ‘Ulysse 31’ qui passait à la TV chaque soir de la semaine sur FR3 (France 3, aujourd’hui) en tranches de 5 minutes, à 19h55. C’est ce dessin animé qui m’a amené à lire Homère, et puis Ovide et puis bien d’autres auteurs… Et à les aimer tant que je les lis toujours aujourd’hui, à présent bien plus âgé que ne l’étaient alors mes parents.

    Donc oui, apprécier les histoires sous toutes leurs formes, c’est super. Mais ça sert aussi un peu trop souvent d’excuse pour, justement, ne pas faire l’effort de lire régulièrement, voire pas du tout.

    Car apprendre à lire demande un vrai gros effort. Et c’est encore plus taxant quand il s’agit de transformer la lecture en une activité quotidienne… Car c’est rare que ce devienne un plaisir (incroyable) du premier coup.

    Je suis un lecteur passionné, il ne se passe pas un jour sans que je lise. Pourtant, jeune enfant, je n’aimais pas lire. J’y ai été forcé, un peu chaque jour sous le contrôle et le regard (bienveillant) de mon grand-père qui ne m’a jamais torturé avec ça mais qui ne m’a aussi jamais laissé le choix (comme avec le calcul mental, d’ailleurs). Je devais lire, j’avais le droit de changer de livre si je pouvais lui expliquer pourquoi je ne l’aimais pas, mais je devais lire. Sans lui, laissé à moi-même, j’aurais laissé tomber la lecture pour aller regarder la TV (y avait pas encore Internet, à l’époque) ou pour aller m’inventer mes propres histoires en… jouant aux Lego et aux Playmobil.

    (mode vieux con OFF)

    Le fait de lire, pas de se faire raconter un texte, est encore plus important si on se souvient que l’illettrisme ce n’est pas que ne pas savoir lire une histoire. C’est surtout ne pas savoir remplir un formulaire, ni lire un panneau indicateur, le nom d’une rue, un menu dans un restaurant, ne pas savoir lire l’étiquette qui liste la composition d’un produit chimique, ou un prix. Toutes ces choses que nous faisons en permanence… pour lesquelles il n’y a pas vraiment d’alternatives au fait de savoir lire.

    Désolé pour le long commentaire, encore une fois ;)

    • Œil@jlai.lu
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      2 days ago

      À mon avis, la bibliothécaire s’est emmêlée les pinceaux entre lutte contre l’illettrisme et désacralisation de la lecture comme premier vecteur de culture. Mais ce n’est que mon avis ;)

      Pour préciser ma pensée, je pense que sa formule, maladroite, cherchait à casser les préjugés selon lesquels une personne illettrée ne serait pas cultivée. Ce qui est d’autant plus important que l’illettrisme persiste aussi en raison d’un sentiment de honte bien ancré chez ces personnes, qui ont déjà connu l’échec scolaire. Cet échec prenant souvent racine dans des raisons économiques et sociales.

      L’analphabétisme et l’illettrisme n’étant pas la même chose. Une personne analphabète n’a jamais été scolarisée, une personne illettrée si.

      • Libb@piefed.social
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        2 days ago

        À mon avis, la bibliothécaire s’est emmêlée les pinceaux entre lutte contre l’illettrisme et désacralisation de la lecture comme premier vecteur de culture.

        J’y ai pensé, mais vu que la bibliothécaire n’a pas demandé à rectifier son propos après l’interview (disons même après avoir lu l’article) j’ai conclu que le choix des mots lui convenait.

        Et s’il y a le moindre doute : je ne le lui reproche pas de penser ça, je marque juste mon (profond) désaccord avec cette idée.

        Pour préciser ma pensée, je pense que sa formule, maladroite, cherchait à casser les préjugés selon lesquels une personne illettrée ne serait pas cultivée.

        Bien d’accord. Je pense avoir dit exactement cela, d’ailleurs.

        Il y a des années, j’ai bien connu quelqu’un d’illettré… J’en ai connue probablement plus d’une, sans le savoir, mais elle l’assumait. Cette personne était incapable de lire et d’écrire parce que, enfant encore, elle avait décroché et avait laissée sur le côté, parce qu’issue d’une famille à la dérive (version polie) et, sans surprise, sans ressources. Cela ne l’empêchait pas d’être d’une intelligence affûtée et d’être extrêmement créative (elle gagnait sa vie en tant qu’artiste). Quand je l’ai connue, j’étais à peine ado et elle suffisamment âgée pour déclarer ne plus se soucier d’apprendre à lire ou à écrire quand nous en parlions. J’ai beaucoup appris avec elle, pas sur des sujets de types scolaires ou académiques mais sur la nature humaine, et sur ce que ça signifie d’être humain : se refuser à détester les autres, même quand ils font tout pour l’être. Cette personne était d’une gentillesse infinie. Gentillesse, un mot qui ferait probablement ricaner bien du monde de nos jours… malheureusement pour eux.